Transfert de l’entreprise familiale : pas d’immeubles privés ?

Transfert de l’entreprise familiale : pas d’immeubles privés ?

Juillet 2022 - Il existe en Région flamande un régime fiscal particulier applicable au transfert d'une entreprise, soit par voie de donation, soit à la suite d'un décès. Selon le fisc, ce régime préférentiel n’est pas applicable lorsqu'il y a également un patrimoine privé dans la société. Mais la Cour d’appel de Gand voit les choses différemment.

Société patrimoniale

Il existe en Région flamande, mais aussi dans les autres Régions, un régime préférentiel applicable au transfert entre vifs ou à cause de mort d'une entreprise familiale. Le taux applicable à transmission par donation d'une entreprise familiale est de 0 % en ligne directe, alors que le taux applicable à la transmission par héritage d'une entreprise familiale est de 3 %. Ce régime préférentiel s’applique tant aux entreprises individuelles qu’aux sociétés familiales. Dans ce dernier cas, le taux réduit s’applique donc aux actions ou parts transmises par donation ou par héritage.

Les taux préférentiels ne s’appliquent pas au patrimoine privé. Dans le cas d'une entreprise individuelle, cela signifie que les taux s’appliquent uniquement aux actifs qui étaient utilisés pour les besoins de l’activité commerciale.

Dans le cas d’une société, cette condition est formulée quelque peu différemment : une exonération ou un taux réduit ne sont possibles que pour une société familiale qui exerce une activité économique réelle

Une société est présumée n’avoir aucune activité économique réelle s'il ressort du bilan que les conditions cumulatives suivantes sont réunies au cours d’au moins un des trois exercices qui précèdent le fait générateur : 

  • les rémunérations, charges sociales et pensions représentent un pourcentage égal ou inférieur à 1,50 % des actifs totaux ; et

  • les terrains et bâtiments représentent plus de 50 % des actifs totaux.

La loi dispose que le bénéficiaire - héritier ou donataire - peut fournir la preuve contraire, mais Vlabel a laissé entendre dans une circulaire de 2015 que tous les biens immobiliers présents dans la société doivent être utilisés pour l’activité économique de la société.
Vlabel a également précisé dans cette circulaire que la mise en location d'un bien immobilier était toujours considérée comme une forme de gestion privée du patrimoine. Autrement dit, si une société possède une habitation dans ses actifs et qu’elle loue cette habitation à des particuliers, la société sera automatiquement exclue des régimes préférentiels, car elle ne pourra plus prouver qu’il y a une activité économique réelle.

Cour d’appel de Gand

La Cour d’appel de Gand a été saisie d'une affaire dans laquelle une boucherie était exploitée dans le cadre d’une société. Les actions ou parts appartenaient en partie au patrimoine commun du père et de la mère et en partie au fils. Le père est décédé et les héritiers (mère et fils) réclament l’application du régime préférentiel des entreprises familiales.

En dehors de la boucherie, la société possède de très nombreux biens immobiliers : une salle d’exposition, un commerce, des terres de culture et des pâturages, un bois, une ferme, une villa, des appartements à la mer, etc. Les héritiers prouvent que les revenus de la boucherie sont pratiquement trois fois plus élevés que les revenus de ces biens immobiliers. Mais comme nous l’avons déjà exposé ci-dessus, l’administration fiscale flamande estime que dès qu’il y a un patrimoine privé (notamment la mise en location de biens immobiliers) dans la société, il n’y a aucune activité économique réelle dans la société et la preuve contraire ne peut être fournie.

La Cour suit toutefois le raisonnement des héritiers. Celui qui consulte le texte de loi à ce sujet verra que le bénéficiaire a toujours la possibilité de prouver qu'il y a une « activité économique réelle ». La présence d'un patrimoine privé dans la société n’est contestée par personne. Le fait que la mise en location de biens immobiliers ne soit pas considérée comme une activité économique non plus n’est pas contesté. Le seul point de désaccord entre Vlabel et les héritiers concerne la question de savoir si la preuve contraire est en l’occurrence admise ou pas.

Prorata

Finalement, la Cour demande aux parties de bien vouloir réfléchir à la possibilité de limiter l’exclusion du régime préférentiel aux actions qui se rapportent au patrimoine privé, et donc d’appliquer le régime préférentiel à la partie de la succession qui se rapporte effectivement à l’activité économique.

La Cour constate à juste titre que si cette situation s’était présentée dans une entreprise individuelle, le taux réduit aurait été applicable aux biens utilisés pour l’activité économique (à l’exclusion des biens immobiliers principalement affectés ou destinés au logement) et pas aux autres biens. À présent qu'il s’agit de la transmission par héritage des actions ou parts d'une société familiale avec une activité économique réelle, mais aussi une quantité considérable de terrains et constructions qui ne sont pas utilisés (ou seulement en partie) pour cette activité économique, le régime préférentiel est totalement exclu. La Cour demande donc aux parties de réfléchir à l’opportunité de poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle.

Intervention du législateur décrétal

Sur l’entrefaite, une proposition de décret a déjà été déposée au Parlement flamand qui prévoit littéralement d’exclure les sociétés du régime préférentiel dès lors qu’il se trouve dans la société des biens immobiliers qui sont principalement affectés ou destinés au logement privé.
Voilà qui offrirait un fondement légal à la position actuelle de Vlabel.