Société et actionnaire copropriétaires : pas une bonne idée
Juin 2022 - Quiconque est propriétaire d’un bien immobilier avec une autre personne peut mettre fin à cette copropriété en sortant de l’indivision. Selon l’endroit où se situe le bien immobilier, le droit de partage s’élève à 2,5 % en Flandre ou à 1 % dans les deux autres Régions. Si toutefois vous êtes copropriétaire avec votre propre société, vous payez un droit de vente de 12 % ou 12,5 %. Pourquoi ?
Associés historiques
Imaginons que vous avez une SA (une société de capitaux) et que cette SA possède un immeuble. Si la SA est liquidée et que l’immeuble vous est attribué, vous serez redevable d’un droit de vente, et ce même si vous aviez vous-même apporté l’immeuble qui vous revient lors de la liquidation. Ce droit de vente s’élève à 12 % en Flandre et à 12,5 % dans les deux autres Régions.
Imaginons à présent que vous êtes associée d’une SRL (une société de personnes) et que l’immeuble vous est attribué lors de la liquidation, il y a deux possibilités :
Si vous n’étiez pas associé(e) au moment où la SRL a acquis la propriété de l’immeuble, vous payez un droit de vente.
Si, en revanche, vous étiez associé au moment où la SRL (ou précédemment, SPRL) a acheté l’immeuble, ou si vous avez vous-même apporté l’immeuble, vous êtes un associé historique et vous êtes soumis(e) au régime provisoire.
Le régime provisoire implique que vous devez uniquement payer un droit fixe lors de la liquidation. Le fisc attend ensuite de voir ce qu’il se passera :
si vous acquérez l’immeuble avec d’autres associés qui sont tous des associés historiques, vous pourrez sortir de l’indivision et ne devrez payer qu’un droit de partage ;
si, en revanche, l’immeuble est attribué à une personne qui n’est pas un associé historique, le droit de vente sera dû.
L’échappatoire est une impasse
Dans une SA, vous n’échapperez donc pas au droit de vente, à moins que, peut-être ...
La pratique qui consiste pour l’actionnaire à acheter un bien immobilier en copropriété avec la société est apparue il y a une dizaine d’années de cela. L’actionnaire achète par exemple 10 % de l’ensemble – sur lesquels il doit payer le droit de vente – et la société achète les 90% restants – sur lesquels le droit de vente est également dû, mais déductible au titre de charge professionnelle.
Après des années, si l’actionnaire veut liquider la société, par exemple, il sort de l’indivision et rachète la part de la société. Suffit-il alors d’acquitter un droit de partage sur cette transaction ?
« Non », dit le fisc. Car la réglementation relative aux associés qui reçoivent un bien immobilier de leur propre société est une réglementation particulière, conçue comme une disposition anti-abus. Et cette disposition anti-abus prime la réglementation générale relative au droit de partage. Le terme « fisc » désigne en l’occurrence à la fois l’administration fiscale fédérale (qui est encore en partie compétente pour les droits d’enregistrement) et Vlabel qui est compétente pour les droits d’enregistrement flamands.
De la première instance à la Cour constitutionnelle en passant par la Cour de cassation
Cette interprétation a déjà fait couler beaucoup d’encre. De très nombreux contribuables ont saisi les cours et tribunaux compétents pour finalement se retrouver devant la Cour de cassation. Un des arguments invoqués était la violation du principe d’égalité. Cela ne relève toutefois pas de la compétence de la Cour de cassation, mais bien de celle de la Cour constitutionnelle. Le principe d’égalité semble être violé en ce sens que l’associé qui est en indivision avec sa propre société doit payer un droit de vente. Alors qu’une autre personne qui n’est pas un associé et qui est en indivision avec cette même société se verra uniquement réclamer un droit de partage.
La Cour constitutionnelle estime toutefois que cette distinction est justifiée, parce que la règle qui veut qu’un droit de vente est dû lorsque la société tire un bien immobilier de sa propre société est une disposition anti-abus qui prime effectivement le droit de partage. On peut à juste titre se poser la question de savoir quel est en l’occurrence l’abus contre lequel cette disposition lutte. Lors de l’achat du bien immobilier, les droits ont en effet été acquittés, en partie par la société et en partie par l’associé. Mais la décision de la Cour constitutionnelle met fin à la discussion. Mieux vaut donc éviter toute copropriété entre la société et un de ses associés.