L'organisateur d'un événement gratuit peut-il déduire la TVA ?
31 mars 2020
L'organisateur d'un événement gratuit
peut-il déduire la TVA ?
La logique de la TVA est qu'en matière économique, la taxe doit être payée par l'utilisateur final. Toute personne qui ne revend pas un bien acheté avec TVA ou qui n'utilise pas un service reçu pour les besoins d'une activité économique ne peut dès lors pas déduire la TVA payée en amont.
Le lien entre activité et TVA
La TVA qui se rapporte directement ou indirectement à une activité économique est déductible. Pour la vente de chaussures par exemple, la TVA payée sur les chaussures achetées est évidemment déductible. Mais la TVA payée sur la facture du comptable, de la compagnie d'électricité, du carreleur... est elle aussi déductible, car bien que ces biens et services ne soient pas revendus, ils n'en sont pas moins nécessaires à l'activité économique.
Pour que la TVA soit déduite, il doit donc y avoir un lien direct avec l'activité taxée exercée.
L'événement gratuit
Qu'en est-il si un événement auquel l'accès est gratuit est (co-)organisé ?
En ce qui concerne la journée portes ouvertes, les choses sont relativement claires. Les frais dits d'accueil n'ouvrent aucun droit à la déduction de la TVA, parce qu'ils sont présumés n'avoir aucun caractère professionnel. Des exemples types sont les fleurs à la réception, mais aussi les boissons ou collations offertes aux visiteurs.
Mais si ces frais de réception peuvent davantage être considérés comme des frais de publicité plutôt que comme des frais engagés pour " créer une ambiance agréable pour les visiteurs ", la TVA est déductible. Si l'événement vise plutôt à attirer de nouveaux clients ou à réaliser des ventes directes, la TVA est déductible.
Attention : cette question n'a toujours pas été tranchée en ce qui concerne l'impôt sur les revenus.
L'événement gratuit peut toutefois également être une fête de village ou un événement dans la salle des fêtes locale. Dans ce cas, il est possible de ne pas faire payer l'entrée à l'événement proprement dit. Si l'événement est financé par la vente de tickets boissons et de collations ainsi que par la vente d'espaces publicitaires et si un artiste se produit, un château gonflable est loué et les indispensables toilettes mobiles sont prévues, la TVA sur ces dépenses est-elle déductible ?
Avec l'activité, une certaine valeur ajoutée est incontestablement créée, à savoir avec les annonces et la vente de boissons et de nourriture. Mais l'événement lui-même est gratuit. Si rien ne doit être payé pour écouter l'artiste ou sauter dans le château gonflable l'organisateur est l'utilisateur final de ces services et la TVA ne peut pas être réduite. L'organisateur est - en théorie - un assujetti mixte dans la mesure où il déduit la TVA payée en amont sur les boissons, la nourriture et les espaces publicitaires, mais pas celle sur l'artiste, les toilettes et le château gonflable.
L'unité de services sauve les meubles
En réponse à une question concernant ces fêtes de village, le ministre vient en aide à l'organisateur en utilisant la théorie de l'unité de services.
Selon le ministre, l'organisateur est un assujetti à la TVA, parce qu'il propose des services publicitaires et vend des boissons et de la nourriture. Tous les autres services qu'il propose gratuitement sont en réalité indissociablement liés à l'activité taxée. Le ministre compare la situation à celle d'un établissement horeca qui propose de la musique en live pour divertir et attirer les clients. La TVA grevant les dépenses relatives à de telles représentations est normalement déductible.
Le fait que les visiteurs puissent entrer gratuitement et ne soient pas non plus obligés de consommer n'enlève pas à l'activité son caractère d'activité économique. Le ministre compare la situation à celle des commerces et salles d'exposition où entrent régulièrement des visiteurs qui ne font aucun achat.
Enfin, le ministre fait encore remarquer que la réglementation ne s'applique pas uniquement au secteur culturel, mais peut également être appliquée aux événements sportifs et infrastructures sportives.
Le lien entre gratuit et imposable
Il faut veiller à ce que les activités proposées gratuitement ne soient pas plus importantes que l'activité économique pour laquelle la déduction de la TVA est revendiquée. C'est ce qui est arrivé à une ASBL liégeoise. L'ASBL a organisé plusieurs activités, dont une fête de village et un food festival, pour lesquelles la TVA était chaque fois intégralement déductible, soit parce que l'entrée était payante, soit parce que des stands étaient loués. Tous les deux ans, l'ASBL organisait également le festival Imagesanté qui associe cinéma, santé et science. Le festival était entièrement gratuit (à l'exception de la soirée de gala).
Pour l'administration fiscale (suivie en cela par le tribunal), l'organisation de cet événement ne cadre pas avec l'activité économique de l'ASBL. L'événement est gratuit et l'ASBL n'en tire que peu de revenus. La thèse selon laquelle l'activité permet à l'ASBL d'acquérir une plus grande notoriété et de payer ses collaborateurs grâce aux recettes est contredite par les faits.
Le tribunal a conclu que l'événement est gratuit et que la TVA n'est pas déductible dans le chef de l'ASBL. Cette dernière a perdu de ce fait plus de 40 000 euros de déduction de TVA. Un coup dur pour cette ASBL.